Le Nouvel Observateur Quotidien

Semaine du 9 mars 2000 -- N°1844 -- Evènement

Grogne dans les lycées professionnels


Eric Feferberg - AFP

Les lycées professionnels sont agités par le projet ministériel de réforme de leur enseignement, avalisé lundi Rue-de-Grenelle. Sur ce sujet, comme sur d’autres, on peut s’inquiéter du blocage qui gagne l’Education nationale et de l’atmosphère délétère qui y règne depuis quelques semaines.

Pourtant la réforme des lycées professionnels est urgente. On y a beaucoup investi - ils reçoivent aujourd’hui près du double d’heures par élève que les collèges et lycées d’enseignement général -, mais sans politique d’ensemble, en parant le plus souvent au plus pressé... Les CAP, dont la durée d’études a été ramenée de trois à deux ans voilà plus de quinze ans, n’avaient toujours pas vu de véritable refonte de leurs emplois du temps ! Des classes de douze élèves avaient fini par être parfois dédoublées... Et on ne regardait pas de très près l’activité réelle des enseignants pendant les stages de leurs élèves.

Les changements proposés par le ministère semblent faits pour améliorer les études d’élèves souvent en mal d’identité : leur temps de travail est raisonnablement ramené à 30 heures par semaine et leur année allongée au-delà du mois d’avril... Leurs stages seront diversifiés selon les filières, les projets pluridisciplinaires encouragés et les relations avec les entreprises renforcées. En gros, la réforme s’appuie sur un donnant-donnant proposé aux enseignants. D’un côté, la satisfaction d’une revendication vieille de quinze ans : l’alignement du temps de service des profs d’atelier sur celui de leurs collègues d’enseignement général, soit 18 heures au lieu de 23. De l’autre, une redéfinition de leurs activités avec une remise à plat et une modulation de leur service pendant les stages...

Vu de l’extérieur, tout cela semble rationnel ! Et même à l’intérieur : le principal syndicat d’enseignants de lycées professionnels, le Snetaa, est quasiment acquis à cette réforme... Mais ces mesures, à l’évidence, passent mal sur le terrain. D’abord, la réduction du temps de travail laisse de côté les profs d’enseignement général, habités par une discrète frustration. Ensuite, les profs sont convaincus qu’on va leur supprimer des postes, ce que nie le ministère. Enfin, la redéfinition de l’emploi du temps est mal vécue par un corps enseignant qui subit dans nos lycées professionnels le plus gros des tensions du système éducatif. Le ministère a choisi de commencer sa refonte du métier d’enseignant par eux, était-ce le bon choix ? « Quelle gaffe que de s’attaquer d’abord aux soutiers de l’Education nationale », s’exclame un chercheur. Oui, mais comment ne pas commencer une réforme en s’attaquant au secteur le plus mal en point ? Et que faire quand l’irrationnel et la détestation d’un ministre envahissent les esprits ?

Anne Fohr


Nouvel Observateur - N°1844


Copyright © 1999 Le Nouvel Observateur
Tous droits réservés.